Program > Day 1 Detailed Program

Mercredi 21 mai 2025

 

9 h 30 Actualités du travail reproductif : attaques et ripostes


Introduction

Annabelle Berthiaume, professeure adjointe | École de travail social, Université de Sherbrooke (Canada)
Noemi Martorano, chercheuse postdoctorale | Département de philosophie, sociologie, pédagogie et psychologie appliquée, Université de Padoue (Italie)
Maud Simonet, Directrice de recherches | CNRS, Université Paris Nanterre, IDHE.S

9 h 45 Les temporalités historiques du travail reproductif

Leopoldina Fortunati, senior professor | Département des sciences mathématiques, informatiques et physiques, Université d’Udine (Italie)

Durée : 30 minutes
Échanges avec la salle : 15 minutes


Je propose de distinguer trois phases historiques du travail reproductif pour montrer comment le capital a progressivement réorganisé de manière radicale la sphère reproductive. La première phase s’étend de 1945 à la fin des années 60, la deuxième de la fin des années 60 aux années 90, et la troisième de 2000 à nos jours. Dans la première phase, c’est la production de marchandises qui prédomine, dictant les rythmes, les modes et les temps de l’ensemble du système capitaliste et de l’organisation sociale, reléguant la reproduction à un rôle ancillaire. La deuxième phase est marquée par les vagues successives du mouvement féministe et les luttes des femmes pour réduire le travail domestique. La réponse du capital s’articule, d’un côté, par le recours accru à la main-d'œuvre féminine dans des emplois externes et, de l’autre, par la désindustrialisation des pays occidentaux et la délocalisation des capitaux vers des régions où la main-d'œuvre est moins coûteuse, comme la Chine et les pays de l'ex-bloc soviétique. Dans cette deuxième phase, la sphère de la reproduction devient centrale au sein du système capitaliste. Dans la troisième phase, de 2000 à 2024, grâce aux technologies numériques, le système capitaliste intègre et subsume de plus en plus de dimensions immatérielles du travail domestique, telles que l'affectivité, la sexualité, l'éducation, la socialité, la communication, l’information et le divertissement, dans un cadre d’automatisation et de contrôle direct.

10 h 30 Theorising social reproduction to decolonize approaches to Global Development

Alessandra Mezzadri, Professeure | Département des études sur le développement, Université de Londres (Angleterre)

Durée : 30 minutes
Échanges avec la salle : 15 minutes


In this presentation, I will reflect critically on Black and Decolonial feminist critiques to Early Social Reproduction approaches (ESRA) and Social Reproduction Theory (SRT), with the objective of mapping points of dialogue and interplay that may move us towards a common feminist horizon. First, I will sketch some of the continuities between ESRA and analyses focused on racial capitalism and/or on the racialisation of reproduction, in relation to understandings of primitive accumulation and value-generation, extraction and exploitation (Federici, 2004 and G. Bhattacharyya, 2018; Fortunati, 1981 and Morgan, 2007). Secondly, I will reflect on the linkages between SRT and intersectional feminism centering class. Based on the above, and in line with Premilla Nadasen (2023), I will argue that to be inclusive of gendered experiences worldwide, analyses of social reproduction must centre the home as well as the colony as the structuring forces of regimes of social reproduction. Overall, through ‘pluralising social reproduction approaches’ we can develop a theoretical and political agenda aimed at decolonising productivist approaches to global capitalism and development process.

 

11 h Pause

11 h 15 – 13 h 15 Première table ronde. Travail domestique : invisibilisation, ubérisation, syndicalisation

Animation par Maud Simonet, Directrice de recherches | CNRS, Université Paris Nanterre, IDHE.S

Organiser politiquement les mères isolées : une « bombe sociale »

Agnès Aoudaï, co-présidente | Mouvement des mères isolées (France)

La société patriarcale ne s’est pas adaptée à la situation de celles qui portent 90% des familles monoparentales en France: les mères isolées. Stigmatisées, elles sont aussi les premières victimes de toutes les réformes successives qui touchent l’ensemble de la société notamment les personnes les plus précaires. Réforme des retraites, réforme du RSA mais aussi loi immigration ou mise à mort des services publics, l’impact sur la vie des mères isolées est catastrophique. 2 millions de mères isolées, 45% d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté : le constat est sans appel.
En s’appuyant sur des revendications féministes, antiracistes, anticapitalistes, de transformation profonde de la société, les mères isolées peuvent construire un rapport de force sans égal. Elles sont à la croisée de toutes les oppressions que le système actuel porte en son sein.
 

Syndicalisation : luttes des travailleuses domestiques dans le monde

Giulia Garofalo Geymonat | Professeure adjointe, Université Ca’ Foscari de Venise (Italie)

While the valorization of domestic work has often been at the centre of feminist analyses and claims, when domestic work becomes a paid activity troubles arise. Feminist organizations rarely engage directly in struggles for domestic workers’ rights, and domestic workers’ groups are often reluctant to define themselves as feminist. Through the study of domestic workers’ rights movements across nine countries, with a focus on the decade 2008-2018 and the ratification of ILO Convention 189, our research (Marchetti, Cherubini, Garofalo Geymonat, 2021) sheds light on some of the complexities of the relationship between these movements and feminist movements. Despite the fact that in many contexts there has been a disconnection between the two movements at the practical level, we found that domestic workers’ rights activists often seem to build their arguments on the same anti-capitalist interpretative frames used by feminist groups. Yet, remarkably, they expand them through an intersectional analysis so as to include racialized, lower-class, migrant and other minority groups, in ways which feminist movements have rarely accomplished.
 

Au nom des femmes, l’ubérisation du travail domestique

Nicole Teke, doctorante en sociologie | IDHE.S, Université Paris Nanterre (France)

Les plateformes de services à domicile promeuvent le ménage à domicile « anti-charge mentale » ; « pour éviter les disputes au sein du couple » ou pour « soulager les femmes après leur accouchement », comme une solution à la crise du travail reproductif. Ce modèle développe un travail reproductif à deux vitesses :  une marchandise pour celles qui peuvent en payer le prix, et une charge pour celles qui n’en ont pas les moyens.
Cette communication vise à présenter la façon dont les plateformes s’adressent aux femmes, en proposant de répondre aux problématiques du travail ménager par une réappropriation capitaliste des discours féministes : l’émancipation au travail permettant une meilleure articulation des temps sociaux pour les travailleuses, et la possibilité de se libérer de cette charge, pour les clientes, au nom de la « paix dans le couple » ou de « l’épuisement maternel ».

 

13 h 15 – 13 h 30 Actualités éditoriales sur le travail reproductif

Stand de la librairie El Ghorba, mon amour

 

13 h 30 Déjeuner
 

14 h 15 – 16 h 15 Deuxième table ronde. Les services sociaux : un travail reproductif reconnu ?

Animation par Noemi Martorano | chercheuse postdoctorale, Université de Padoue, IDHE.S Nanterre

Marchandisation de la santé et « refamiliarisation » des soins de santé en Belgique

Natalia Hirtz, chercheuse | Groupe de Recherche pour une Stratégie économique alternative (GRESEA), Bruxelles (Belgique)

En Belgique, la santé est l’un des secteurs le plus touchés par les économies budgétaires réalisées depuis 2012. Dans ce climat austéritaire, on observe deux processus majeurs : l’approfondissement des formes de gestion et d’organisation du travail visant une diminution des coûts et une maximisation de profits (propre au lean management) favorisant un processus – protéiforme – de privatisation du secteur de la santé. Que ce soit par la privatisation des maisons de repos (à Bruxelles, plus de 60% de maisons de repos appartiennent au secteur privé lucratif), l’augmentation du ticket modérateur (c’est-à-dire, la partie des dépenses de santé à charge du ou de la patiente) et des suppléments  d’honoraires, la diminution du temps de séjour à l’hôpital après un accouchement ou une intervention chirurgicale, le processus de fusion des hôpitaux publics et privés (réforme de 2019), l’externalisation des services dans les institutions de soins de santé ou la désinstitutionnalisation des soins psychiatriques (visée par la réforme dite 107), cette tendance à la privatisation implique aussi une refamiliarisation des soins. En Belgique, on estime que les soins non professionnels fournis par une personne proche représentent 150.000 équivalents temps pleins. Ce renforcement du travail reproductif gratuit est indispensable aux milliards d’économies réalisées sur le budget de la santé ces dernières années. Dans un contexte où plutôt que des économies budgétaires, on observe un transfert de richesses publiques vers des capitaux privés, peut-on postuler que cette progression du travail reproductif gratuit implique une augmentation de l’extorsion de la plus-value du travail reproductif ? Et, comment ce transfert de travail se présente-t-il dans un contexte de reconfiguration de « la famille » ?

Social reproduction and colonial care chains

Sara Farris, professeure de sociologie | University de Londres (Angleterre)

Since the early 2020s the UK has recruited hundreds of thousands of migrant care workers as it faces a huge care crisis where shortages in care are amongst the worse in recent history. An aspect of this current flow in labour mobility that has not received sufficient attention is the fact that the large majority of these migrant workers are women from former British colonies. While labour recruitment from the colonies is not new in British history as it regularly took place during colonial times and under the Commonwealth, it is worth noting that this new mass wave of labour mobility involves mostly women to be employed in the socially reproductive sectors of health and social care. Based on research with migrant workers employed in private care homes in London, this paper aims to explore the specific implications of colonial relations for understanding the contemporary capitalist re-organisation of social reproduction.

Un salaire pour les usagers et usagères : piste pour un véritable front commun

Camille Marcoux-Berthiaume et Gabrielle Laverdière, militantes | la Grande démission, Montréal (Canada)

La professionnalisation d'une partie du travail de reproduction à partir de la mise en place de services sociaux publics jusqu'à leur démantèlement progressif a entraîné une fracture entre, d'une part, les usagères et usagers et, d'autre part, les travailleuses et travailleurs des services sociaux. L'état des services et les actes de refus des seconds (grèves, ralentissement des cadences) font souffrir les premiers, au point que les uns s'en prennent aux autres, souvent verbalement, parfois physiquement. Dans l'optique de reconnaître que les services sociaux mettent au travail les patients, aidants naturels, parents d'élèves etc., la revendication d'un salaire aux usagères et usagers ouvre la possibilité d'une réunification de classe contre les vrais responsables des conditions misérables des uns et des autres.

 

16 h 15 Pause

16 h 30 – 18 h 30 Troisième table ronde. Informalisation et criminalisation du travail reproductif

Animation : Annabelle Berthiaume, Professeure adjointe | Université de Sherbrooke (Canada)

Laws of Social Reproduction

Prabha Kotiswaran, Professeure de droit et de justice sociale | King’s College de Londres (Angleterre)

Feminist scholarship on reproductive labour today spans many disciplines and has expanded its focus from unpaid domestic work within the home to include various forms of paid reproductive labour. In my presentation I want to offer a cross sectoral comparison of reproductive labour across the marriage-market continuum to include unpaid domestic work, paid domestic work, surrogacy and egg donation, erotic dancing and sex work through empirical research on these forms of labour in the global South context of India. Further I show how default legal categories governing these forms of labour shape women’s bargaining power within these sectors. However these legal categories are contingent and women within these sectors have vastly different stakes in regulation. It is only by investigating background legal rules through an empirically informed, legal realist and critical socio-legal approach lens and assessing the distributive effects of rule changes on all categories of women occupying varied caste, class, religious, age and occupational statuses can we reimagine alternate regulatory matrices that can help secure women’s prospects for economic justice. This in turn poses new and urgent conceptual and political challenges for social reproduction theory.

 

The ultra right war against social reproduction: a brief genealogy from Argentine

Veronica Gago, Professeure de Sciences Sociales | Université de Buenos Aires (Argentine)

I will argue about morality and cruelty to discuss how the far right in Argentine emerged as a challenge and reaction to the massiveness of grassroots feminist struggles (which, among other victories, won the legalization of abortion in December 2020). Thus we can understand the targeting of women and feminists responsible for community care in neighborhood soup kitchens as the opposite of “human capital” (the name of the new Ministry of Javier Milei`s government) as a way of promoting anti-feminism as a vector of reactionary politicization. Similarly, it attacks the popular economy for a reactive moralization of those who “live off” the state, producing the inversion of the scene that allows business people to not pay taxes and complain about public spending, while blaming the impoverished for the deficit.

Blow jobs are real jobs : Travail sexuel, reproduction et organisation des travailleuses du sexe à Montréal

Adore Goldman, militante | Comité autonome du travail du sexe, Montréal (Canada)

Cette présentation portera sur la lutte des travailleuses du sexe montréalaises pour de meilleures conditions de travail et sur les liens que nous établissons avec les analyses sur la reproduction sociale, tant au niveau théorique que pratique. J’aborderai dans un premier temps l’influence des théories sur le salaire au travail ménager sur la campagne du Comité autonome du travail du sexe (CATS). Dans un deuxième temps, je traiterai du travail d’enquêtes militantes qu’a réalisé le CATS au cours des deux dernières années dans une perspective d’auto-organisation dans nos milieux de travail. Finalement, il sera question des liens de solidarité actuels et à créer avec les autres travailleuses et travailleurs de la reproduction sociale.

 

18 h 30 Exposition “Faire appel à l’archive, faire croitre de nouveaux mondes. Matériaux pour un futur féministe de la reproduction sociale”

 Barbara Mahlknecht, Commissaire d’exposition, médiatrice artistique et doctorante | Université de Londres (Angleterre)

L’installation archivistique réunit des matériaux sélectionnés—documents, brochures, tracts et photographies—mettant en lumière la richesse et la complexité de l’organisation par les femmes dans les années 1970 de la lutte pour « le salaire au travail ménager ». En mettant l’accent sur le contexte italien, les documents illustrent les subtilités de divers aspects tels que la maternité, les services sociaux, l’éducation, et plus encore. Les comptes rendus de conversations, analyses théoriques, communiqués et réflexions stratégiques retracent les parcours qui ont mené, par exemple, à l’organisation de la manifestation de Mestre du 8 au 10 mars 1974. Enfin, des affiches soulignent les résonances de cette campagne avec les soulèvements féministes contemporains tels que la Huelga Feminista en Espagne et l’Assemblée de la Grève des Femmes au Royaume-Uni.

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